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.../... http://575.tempslibres.org/aphp/page3.php?page=v02n1p05
Le haïku suggère l’émotion
une école autre
Cette année-là, une autre école. Une porte cochère rouge-brique dont
les deux battants se sont ouverts en grand à mon approche. Une cour
pavée, une statue de la Vierge… « pour l’école, c’est au fond ! » Je
passe sous le tunnel de glycine, je suis l’allée, traverse la cour de
récréation. « La classe est au premier, vous pouvez y aller, quelques
élèves sont en haut ».
« Bonjour, vos professeurs m’ont dit que vous
étiez là. Je m’appelle Claire. Je viens écrire de la poésie et raconter
des contes avec vous». « Vous avez trouvé facilement ? Vous n’êtes pas
trop fatiguée, vous voulez un thé ou un café ? ». Ce sont des adolescents
qui me font cet accueil. Il en sera ainsi, chaque semaine, pendant une
année. Le « tu » remplacera le « vous ».
La récréation est finie. Les sept élèves de
la classe sont assis. Leurs doigts glissent sur des pages imprimées
en braille, un ou deux parviennent à lire en gros caractères. Il y a
aussi les jambes blessées par l’accident qui a rendu aveugle, le repli
dans un monde en lisière ou dans un demi-sommeil, le refus de nos sentiers
où l’on se cogne à trop d’obstacles, la force qui va jusqu’ à se faire
mal pour s’assurer que l’on existe.
Pourtant, dès la première lecture, ils sentent,
écoutent longuement, entendent. Nous explorons dedans et dehors. Un
jour, nous nous promenons dans l’ancien jardin du couvent, « l’écorce
des marronniers est chaude, ta main est encore plus chaude, je peux
toucher ton visage, pour voir, les cailloux du chemin ont des tailles
différentes, je sais venir seul à l’école, quand je serai grand je m’occuperai
de chevaux, où est-ce qu’on est exactement ? ». Ils se souviennent et
ils écrivent.
Cueille-là
ce n’est qu’une fleur
être vivant
Sandra, Eléphant bleu
Les branches craquent
le coucou dort
plaisir.
Angélique, Chat angora
Le haïku est une école de l’extrême attention
Les cartes bigraphiques
Acheter le papier a été le plus simple, pas n’importe
quel papier, tous ne conviennent pas au braille. Il faut d’abord imprimer
les lettres en noir sinon le braille serait écrasé ! Ensuite pour le
braille, il faut aller dans une imprimerie spécialisée. Les techniciens
sont non-voyants. « A quoi ça sert une mise en page ? Pour nous, c’est
inutile. Le beau papier aussi, c’est cher et ça ne sert à rien. » «
Oui mais ce sont des cartes pour les non-voyants et pour les voyants,
les parents, les frères et soeurs. Pour ceux qui voient, le braille
c’est très beau mais si le texte est mis n’importe où sur la carte,
ça enlève beaucoup, vous comprenez. Est-ce qu’on peut tout recommencer
??? » Les cartes seront superbes de l’avis des uns et des autres !
Le matin très tôt
en position de repos
je pense à mon futur.
Luis-Philipe, petit esprit de la terre
Mes yeux pleurent
je ne vois plus le jour
réveil.
Liliane, fleur sur la vague
Le haïku est une école de l’écoute
La fête de fin d’année
Lisa est venue improviser sur les haïkus et les
contes avec son violoncelle. « C’est simple, vous lisez un de vos haïkus
vous racontez une de vos histoires, , si Lisa a envie de jouer, elle
le fait, sinon vous en lisez un autre. » Un comédien lit des extraits
du journal de Bashô. Les enfants de 10 à 16 ans écoutent avec grande
attention. La porte du préau s’ouvre doucement. Le directeur de l’institut
entre, écoute à son tour, cinq, dix, quinze, trente minutes… Il regarde
les yeux ronds ces adolescents ne perdant pas une miette du long voyage
du poète jusqu’au coeur du vide et repart.
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