2000-2003 Archives      
                       

retour archives
Ateliers haïku Institut d'Education Sensoriel Paris 14ème
 
       
   

Claire Landais a animé des "ateliers contes et haïkus" 2000 à 2003

auprès des jeunes non-voyants de l'Institut d'Education Sensoriel Paris 14ème

Elle a raconté "Le rire des oiseaux des blancs" et
"Vassilissa-la-Belle"


 
       
  Lisa Erbès viloncelliste a accompagné la lecture des haïkus des élèves de IDES.-  
     

.../... http://575.tempslibres.org/aphp/page3.php?page=v02n1p05

Le haïku suggère l’émotion

une école autre


Cette année-là, une autre école. Une porte cochère rouge-brique dont les deux battants se sont ouverts en grand à mon approche. Une cour pavée, une statue de la Vierge… « pour l’école, c’est au fond ! » Je passe sous le tunnel de glycine, je suis l’allée, traverse la cour de récréation. « La classe est au premier, vous pouvez y aller, quelques élèves sont en haut ».

« Bonjour, vos professeurs m’ont dit que vous étiez là. Je m’appelle Claire. Je viens écrire de la poésie et raconter des contes avec vous». « Vous avez trouvé facilement ? Vous n’êtes pas trop fatiguée, vous voulez un thé ou un café ? ». Ce sont des adolescents qui me font cet accueil. Il en sera ainsi, chaque semaine, pendant une année. Le « tu » remplacera le « vous ».

La récréation est finie. Les sept élèves de la classe sont assis. Leurs doigts glissent sur des pages imprimées en braille, un ou deux parviennent à lire en gros caractères. Il y a aussi les jambes blessées par l’accident qui a rendu aveugle, le repli dans un monde en lisière ou dans un demi-sommeil, le refus de nos sentiers où l’on se cogne à trop d’obstacles, la force qui va jusqu’ à se faire mal pour s’assurer que l’on existe.

Pourtant, dès la première lecture, ils sentent, écoutent longuement, entendent. Nous explorons dedans et dehors. Un jour, nous nous promenons dans l’ancien jardin du couvent, « l’écorce des marronniers est chaude, ta main est encore plus chaude, je peux toucher ton visage, pour voir, les cailloux du chemin ont des tailles différentes, je sais venir seul à l’école, quand je serai grand je m’occuperai de chevaux, où est-ce qu’on est exactement ? ». Ils se souviennent et ils écrivent.

Cueille-là
ce n’est qu’une fleur
être vivant

Sandra, Eléphant bleu

Les branches craquent
le coucou dort
plaisir.

Angélique, Chat angora
Le haïku est une école de l’extrême attention

Les cartes bigraphiques

Acheter le papier a été le plus simple, pas n’importe quel papier, tous ne conviennent pas au braille. Il faut d’abord imprimer les lettres en noir sinon le braille serait écrasé ! Ensuite pour le braille, il faut aller dans une imprimerie spécialisée. Les techniciens sont non-voyants. « A quoi ça sert une mise en page ? Pour nous, c’est inutile. Le beau papier aussi, c’est cher et ça ne sert à rien. » « Oui mais ce sont des cartes pour les non-voyants et pour les voyants, les parents, les frères et soeurs. Pour ceux qui voient, le braille c’est très beau mais si le texte est mis n’importe où sur la carte, ça enlève beaucoup, vous comprenez. Est-ce qu’on peut tout recommencer ??? » Les cartes seront superbes de l’avis des uns et des autres !

Le matin très tôt
en position de repos
je pense à mon futur.

Luis-Philipe, petit esprit de la terre

Mes yeux pleurent
je ne vois plus le jour
réveil.

Liliane, fleur sur la vague
Le haïku est une école de l’écoute

La fête de fin d’année

Lisa est venue improviser sur les haïkus et les contes avec son violoncelle. « C’est simple, vous lisez un de vos haïkus vous racontez une de vos histoires, , si Lisa a envie de jouer, elle le fait, sinon vous en lisez un autre. » Un comédien lit des extraits du journal de Bashô. Les enfants de 10 à 16 ans écoutent avec grande attention. La porte du préau s’ouvre doucement. Le directeur de l’institut entre, écoute à son tour, cinq, dix, quinze, trente minutes… Il regarde les yeux ronds ces adolescents ne perdant pas une miette du long voyage du poète jusqu’au coeur du vide et repart.